De nos jours, les organisations, les groupes et les personnes se débattent dans un environnement complexe, incertain et en constante évolution. Si le changement est inévitable, personne ne peut prévoir sa forme, sa nature, ni la durée de ses cycles (Morin, 2005). Or, nous avons besoin d’un minimum de clarté pour survivre et nous adapter aux vents qui soufflent. D’où l’importance de flexibiliser les organisations, encourager l’ouverture des esprits et innover. Pour relever ces défis de nouvelles cultures d’organisation, de nouveaux processus dynamiques et de nouvelles formes de management voient le jour. Dans ce panorama, le rôle du manager-coach devient l’un des leviers de l’entreprise pour répondre aux sollicitations de l’environnement.
1- Le monde en changement : les nouveaux défis pour le manager
L’imprévisibilité et l’inadaptabilité de nos pratiques de gestion exigent un nouveau management orienté davantage à la mise en place de conditions facilitantes permettant aux acteurs de trouver par eux-mêmes leur voie. Parmi ces conditions facilitantes, citons : la décentralisation, l’expérimentation, l’auto-organisation, la délégation, la flexibilité… En effet, « prévoir l’imprévisible » (c’est-à-dire la complexité) c’est miser sur l’intelligence individuelle et collective des composantes politiques, économiques, culturelles, éducationnelles, etc. de la société globale et des entreprises. D’où l’importance de valoriser, encourager et retenir les talents en mettant en place un environnement organisationnel attractif. C’est le nouvel avantage concurrentiel des entreprises.
Face à l’obsolescence des modèles organisationnels, aujourd’hui, nous devons comprendre le monde de l’entreprise, ses défis et ses ressources, dont ses talents. Citons quelques exemples de défis/actions que les nouveaux managers doivent relever (Genelot, 2001) :
- Penser et organiser l’entreprise comme un système ouvert, ou comme un tissu d’interactions.
- Multiplier les connexions et créer des réseaux d’intelligence.
- Intégrer l’incertitude dans les processus de pilotage.
- Développer l’autonomie et ouvrir des espaces à l’invention.
- Donner du sens en construisant sur la culture.
Bref, outre ce qui précède, il s’agit aujourd’hui de miser sur des concepts opérationnels tels que (Beriot, 2006) :
- La délégation de pouvoir, donc des responsabilités.
- La transparence dans la communication.
- Le respect mutuel, l’implication et les rétroactions positives.
Dans ce cadre, le manager-coach devient une pièce maitresse dans l’édification d’une nouvelle culture d’entreprise, professionnelle et relationnelle en harmonie avec la culture globale.
2- Manager-Coach, de quoi parle-t-on ?
Pour Lenhardt (2002), les deux termes (manager et coach) semblent « inconciliables » car ils « relèvent des champs sémantiques et fonctionnels » différents. En effet, le manager a pour fonction principale de diriger, évaluer, contrôler, sanctionner, etc., tandis que le coach crée les conditions pour que le client (ici, le collaborateur) puisse libérer « sa propre parole et de trouver lui-même ses propres solutions ». Alors, manager et/ou coach ou comment « désamalgamer » ?
Si Giffard (2003) rappelle que le coach est « facilitateur, pédagogue qui accompagne », alors que le manager est « donneur d’ordres, évaluateur des performances », Malarewicz (2011), lui, considère que « le coach doit être libre de tous liens hiérarchiques » pour éviter une confusion des rôles issue du mélange des contextes. Pour sortir de cette confusion, et afin de clarifier les rôles, ces deux auteurs, attirent l’attention sur l’opportunité, les moments et les conditions de « changer de casquette ». L’une des solutions trouvées par les entreprises est celle du « coach interne » auquel ont recours les acteurs de l’organisation pour entamer une « démarche de coaching » (Richet, 2005).
Mais cette solution, aussi pertinente soit-elle, ne répond pas, à elle seule, aux multiples besoins des entreprises et de leurs acteurs. En effet, le coaching, en tant que «champs » et « approche », est devenu un « processus éducatif » dans le monde d’aujourd’hui. A ce titre il contribue à développer, par exemple, l’estime de soi, la capacité à (s’) écouter, etc., dans un esprit de co-responsabilité, conditions d’un « développement durable des personnes et des institutions. » (Richet, 2005). Aujourd’hui, ces qualités, n’étant plus « l’apanage » de quelques-uns, doivent être « diluées » (élargies) au sein des entreprises et ailleurs, valorisant ainsi les « connaissances tacites » tapies en chaque être humain.
Pour Vincent Lenhardt (2002), même si le « manager coach est avant tout un manager », il peut (voire, il doit), adopter la posture de coach en jouant, par exemple, le rôle d’une « personne ressource ». A ce titre il générera des « processus apprenants » (le comment faire). Le manager-coach « apprendra ainsi à manier le curseur qui va de son expertise particulière jusqu’au coaching intériorisé. » C’est la position adoptée dans la pratique par les écoles de formation en coaching pour qui le manager-coach est un manager qui développe des compétences de coaching (Chavel, 2003), pour lui et pour les autres.
3- Manager avec une posture de coach
Ce nouveau scénario, qui allie leadership d’entreprise et culture organisationnelle, développé par de nombreuses entreprises, implique un changement d’attitude, une nouvelle « façon d’être« , de penser et d’observer (Marcos et Metcalfe, 2020), qui touche l’ensemble des personnes et des fonctions. C’est aux managers, ceux qui assument les opérations opérationnelles de « commandement », d’évaluation, au plus près de la base opérationnelle, qu’ils incombent la tâche de « porter », en tant que levier (courroie de transmission), la coresponsabilité d’introduire les changements culturels et organisationnels.
Les nouveaux rôles et compétences du manager coach se concrétiseront dans la manière d’accompagner les équipes et les collaborateurs. Dans cette optique, et contrairement au management « classique » (contrôleur, autoritaire, conservateur…), le manager-coach met l’accent sur les comportements suivants (Belhadj, 2014) :
- Déléguer des responsabilités aux collaborateurs et accroître leur capacité d’autonomie.
- Exploiter toutes les occasions pour faciliter l’émergence d’autres leaders.
- Contribuer à créer une nouvelle culture organisationnelle et, partant, une amélioration continue.
- Guider les équipes pour atteindre le plus haut niveau de productivité et de motivation dans le meilleur environnement de travail possible.
- Proposer de nouvelles responsabilités et méthodes de travail et d’attendre les feedbacks de l’équipe.
- Respecter et gérer la diversité, et y trouver de nouvelles opportunités de développement.
- Partager les bonnes et les mauvaises nouvelles, sans récriminations ni culpabilisation.
- Ouvrir son esprit à de nouvelles idées et projets.
Ce qui signifie, qu’il doit consacrer une partie du temps à observer et à voir comment fonctionne l’entreprise et surtout à écouter les personnes qui y travaillent.
Naturellement, en tant que chef, le manager a, en dernière instance, le pouvoir décisionnel. En effet, s’inscrire dans une communication proactive ne signifie pas rompre la relation de respect mutuel mais plutôt favoriser des liens de confiance et d’honnêteté qui font que les collaborateurs se sentent une partie importante de l’entreprise.
Ce qui précède suppose, entre autres, une capacité à adopter une approche systémique pour permettre au « coaché » (le managé) d’élargir sa réflexion sur «l’environnement complexe dans lequel il évolue afin de l’aider à trouver des pistes d’actions possibles. » (Caudron, 2006). Exemple : La conduite d’entretien, qui exige le développement d’une haute capacité d’écoute, ainsi que la maîtrise d’outils de base de l’entretien comme le questionnement, la reformulation, le Feedback… Tout cela dans un esprit positif et valorisant, sans jugement ni interprétation, permettent d’aider le collaborateur et l’équipe de prendre conscience des interrelations et à identifier les marges de progression.
En résumé : le manager-coach, en écoutant, impliquant, partageant et encourageant, va favoriser le développement des compétences globales, la transmission de bonnes pratiques et la constitution de réseaux transversaux de collaboration, devenant ainsi un maillon essentiel au développement d’une entreprise apprenante à travers la culture de l’intelligence collective (Caudron, 2006).
Mohamed Rachid BELHADJ
Chercheur en Coaching, Auteur, Formateur.