Ariana est une jeune femme passionnée par la mode, elle occupe le poste de ses rêves : styliste et directrice de collection au sein d’une grande enseigne dans la capitale Paris.
Un domaine prestigieux, une très bonne situation financière et une reconnaissance professionnelle, tout ce qu’une personne souhaitera avoir pour être accomplie professionnellement. Pourtant, un jour Ariana craque.
Elle participait à une réunion et face à une grande frénésie sur le choix de la couleur d’une jupe, elle réalise soudain
l’insignifiance de sa mission. Elle venait de comprendre la raison du mal qui la rongeait depuis des mois : sa vie était vide de sens. Il fallait beaucoup d’efforts pour que cette jeune femme, dont l’histoire a fait le tour de la toile, puisse se reconstruire et surmonter la dépression dont elle a souffert après la « prise de conscience ».
La société ne comprend pas ce mal dont beaucoup de personnes souffrent notamment des jeunes comme Ariana. Dans notre culture, jusqu’à aujourd’hui, nous avons tendance à conditionner le bonheur et une vie réussie par la réussite professionnelle, une position sociale, ou encore la sécurité financière.
Dans le monde professionnel, par ailleurs, la culture de l’entreprise ne parle que très rarement de sens. Les employeurs sont majoritairement incapables de comprendre le comportement atypique de plusieurs salariés hommes et femmes, qui ont tout pour mener une belle carrière, mais font des burn-outs, des bore-outs ou quittent leurs boulots du jour au lendemain.
Cette quête de sens peut toucher toutes les populations et toutes les générations. Néanmoins, au-delà des a priori et aux conclusions toutes faites, plusieurs sociologues et autres experts affirment qu’il existe une « tendance sociologique et comportementale » spécifique à chaque génération.
Les millénaires, que nous appelons communément la Génération Y, sont les plus touchés par cette recherche de sens. Ce n’est pas un hasard que le « Y » attribué à cette génération est prononcé dans la phonétique Anglaise « Why » :Pourquoi ?
D’ailleurs certains chercheurs la désignent par la génération « Pourquoi », en référence à la question favorite de cette
génération revendicatrice, plus exigeante en terme de management et voulant donner un sens à ce qu’elle fait.
Peut-on dire que cette recherche de sens dans le milieu professionnel transcende les autres vecteurs de motivation des salariés comme la rémunération équitable, les perspectives d’évolution, la reconnaissance, Etc ? La culture propre à chaque pays, donne-t-elle une dimension différente à la recherche du sens dans le domaine professionnel ?
Dans une étude réalisée par le cabinet Deloitte, en 2018 dans le cadre du « Millinial Survey », auprès d’une population de jeunes salariés (appartenant aux Générations Y et Z) opérant dans des secteurs différents en France, seulement 48% des participants ont trouvé que le Business est géré de façon éthique. Ils trouvent, au même titre, que
l’engagement des chefs d’entreprises en vue d’apporter un impact positif sur la société est relativement faible (seulement 47%). Plus tôt en 2016, 56% de cette même population affirme rejeter toute possibilité de collaboration avec certaines entreprises en raison de leurs valeurs ou de leurs conduites.
La moitié de ces jeunes actifs ont déclaré, la même année, qu’ils ont refusé des missions allant à l’encontre de leurs valeurs ou de leur éthique.
Par ailleurs, les deux générations semblent s’accorder sur la considération du travail « à sa juste valeur » sans leur ôter leur besoin de flexibilité et d’apprentissage continue. Avec un besoin plus pressant de créativité et d’autonomie chez les natifs de la Génération Z. Les deux populations semblent avoir un besoin solennel de créer un équilibre entre carrière professionnelle et vie privée.
Au Maroc, très peu de travaux dédiés à la quête de sens en général et dans le monde professionnel en particulier, existent. Ceci dit, les problématiques des jeunes actifs sont similaires avec quelques différences « locales ».
Aujourd’hui, la logique du profit qui se traduit par les résultats financiers positifs de l’entreprise s’avère limitée. Si les entreprises déploient des stratégies pour attirer et fidéliser les profils issus des deux générations Y et Z, elles doivent avant tout penser Ecologie, Respect de l’environnement et de son écosystème ainsi que d’inclusion pour passer d’une entreprise « Citoyenne » à une entreprise dite « Sociétale ».
Les millénaires et « Digital Native » de la Génération Z ont connu un monde marqué par une évolution numérique sans précédent et l’apparition des réseaux sociaux qui ont façonné la manière de ces jeunes d’appréhender le travail, la carrière, les mode de communication, de « socialisation », Etc .
A défaut de stratégie ciblée et d’adaptation de nos entreprises, ces jeunes profils trouveront une manière de « déserter » le monde de l’entreprise de façon temporaire ou définitive. C’est d’ailleurs parmi eux qu’on trouve le taux d’entrepreneuriat le plus important : création d’entreprises, travail en free-lance ou création de start-up.
En un mot, l’entreprise n’aura d’autres choix que de devenir « bienveillante » respectant son écosystème et l’individu dans son intégralité en vue de donner avant tout un sens à une génération qui se cherche.
Mme. KHALFOUNA Lamia
HR Manager dans une entité de régulation publique
Article du magazine « AIGLE », 7ème édition