La thématique du leadership fait l’objet d’un intérêt et d’interrogations renouvelés. On parle d’une personne ‘Leader’, lorsqu’elle dispose des capacités qui lui permettent d’exercer une réelle influence sur d’autres personnes ou sur des groupes de personnes, afin d’atteindre les objectifs de l’organisation. Cette influence n’est pas nécessairement basée sur une relation de pouvoir.
Aujourd’hui, pour gagner en compétitivité, les entreprises ressentent de plus en plus le besoin de renforcer les qualités de leadership à tous les niveaux de la hiérarchie. Partant de cela, les questions suivantes sont posées : comment les organisations peuvent identifier les leaders potentiels ? ont-ils des traits de caractère particuliers ? ou encore, est ce que le leadership peut s’apprendre et auquel cas comment devenir « un leader efficace » ? Les leaders efficaces dans un contexte ou dans une entreprise, le seront -ils systématiquement dans d’autres ?
Ces mêmes questions ont donné lieu à plusieurs théories et modèles, depuis la moitié du vingtième siècle, et la notion de leadership efficace n’a cessé de s’affiner au fur et à mesure que les chercheurs en approfondissaient l’étude. Nous ferons dans cet article un tour d’horizon des principales théories et approches qui nous permettra d’apprécier l’évolution de ce concept à travers le temps et d’apporter des éléments de réponse aux questions posées.
Les théories des traits de personnalités
Si vous demandez au premier venu de vous citer les qualités qu’il associe au leadership, il y a de fortes chances qu’il vous cite des qualités comme le charisme, l’intelligence, la détermination, l’audace et l’assurance. Ces réponses sont l’essence même des théories des traits de personnalités qui se sont attachées à identifier de manière systématique des caractéristiques personnelles innées censées distinguer à coup sûr les leaders des non-leaders. Le postulat de ces théories est que « on nait leader », on ne le devient pas. Or différentes recherches se sont succédées, et ont abouti chacune à distinguer des traits différents, ce qui a discrédité les théories relatives aux traits de personnalités. En revanche, par la suite, des approches plus nuancées ont vu le jour pour examiner s’il existe des aspects de la personnalité qui rendent les gens plus susceptibles de devenir leader ou de réussir en tant que leaders. Cela a donné lieu à l’identification des six traits de personnalités suivants : Le dynamisme, le désir de diriger, l’honnêteté et l’intégrité, l’assurance, l’intelligence, la compétence professionnelle et l’extraversion.
Les théories comportementales
En parallèle aux théories relatives aux traits de personnalités, d’autres théories ont vu le jours à partir des années 60. Il s’agit des théories comportementales qui ont souligné l’existence d’habitudes comportementales qui distinguent les leaders efficaces des leaders non efficaces. Ces théories ont attaché plus d’importance à ce que font les leaders en pratique qu’à leurs qualités personnelles. L’identification de leur schémas comportementaux ont fait donc du leadership une compétence qui pouvait s’apprendre, il est devenu possible de former les gens au leadership pour en faire des leaders plus efficaces.
Plusieurs études ont vu le jour et ont distingué différents styles de leadership selon les types de comportements des leaders et ont étudié leur impact sur la performance et sur la satisfaction des salariés. On peut citer à titre d’exemple, les études de l’université de Iowa qui ont exploré 3 styles de leadership : autocratique, démocratique et non interventionniste ou encore, celles de l’université de Michigan qui ont distingué entre les leaders « orientés employés » et les leaders « orientés -production ».
Ces différentes recherches avaient pour but d’expliquer le leadership en termes de comportements, néanmoins, elles n’ont jamais pu établir un lien direct entre les schémas comportementaux et la performance des leaders. Les chercheurs ont avancé que le problème venait du fait qu’on ne tenait pas compte des facteurs situationnels liés à l’environnement du leader qui peuvent fortement conditionner son échec ou sa réussite.
Les théories situationnelles
C’est ainsi que ce sont succédées plusieurs recherches qui ont essayé de comprendre l’impact des facteurs situationnels sur l’efficacité des différents styles de leadership. Elles ont donné lieu à des théories qui préconisent des styles de leadership différents selon des conditions de travail différentes. Une entreprise en pleine restructuration ou crise par exemple requiert un style de leadership complétement différent qu’une entreprise en vitesse de croisière. D’autres modèles, comme celui développé par Paul Hersey et Kenneth Blanchard montrent comment un leader doit ajuster son style de leadership (de la directivité extrême à la délégation extrême) afin de s’adapter au niveau de compétence et d’engagement de ses subordonnés.
L’approche transformationnelle
Dans la continuité des approches précédentes, l’approche transformationnelle intègre les aspects de personnalité, de comportement et de situation. Elle est relativement plus contemporaine que les précédentes et présente deux styles de leadership : l’un dit transactionnel et l’autre transformationnel, considérés comme opposés par certains chercheurs et complémentaires pour d’autres.
Le leadership transactionnel renvoie au management opérationnel et au pilotage de l’action quotidienne. Le leader mise sur la clarification des objectifs et des rôles, et sur les récompenses pour motiver les subordonnés. Le leader transformationnel, mise sur la relation interpersonnelle et sur la vision du leader pour motiver les subordonnés à transcender leurs intérêts personnels et à s’engager vers
l’atteinte de buts communs. Il est également très attentif au développement de ses subordonnés. Selon les chercheurs, il est moins conservateur que le premier, se situe davantage dans un environnement instable, et possède quatre qualités essentielles : il a du charisme, il sait inspirer ses subordonnées, les stimuler intellectuellement et leur porte une grande considération.
Vers un leadership intégrateur
Ce tour d’horizon, bien que non exhaustif, illustre bien l’évolution des conceptions du leadership au fil du temps. Initialement centrées sur la personne du leader, elles sont devenues plus inclusives de facteurs plus larges qui contribuent à son émergence. Partant de cela, les chercheurs s’orientent actuellement vers une approche du leadership qui intègre plusieurs approches précédentes : on parle de leadership intégrateur. Dans cette perspective, le leadership est présenté comme une propriété émergente d’un système social qui en favorise la santé globale, de la même manière que le système immunitaire favorise la santé biologique d’un organisme vivant. En même temps, dans une logique d’interdépendance, la santé d’un système permet ou contraint l’émergence du leadership. Ainsi, le bien-être des individus, la qualité des relations, la performance des organisations, la santé du marché et du contexte social plus large sont en partie attribuées à la qualité du leadership. Le développement du leadership est le résultat d’interactions dynamiques entre les aspects biologiques, psychologiques, comportementaux, relationnels, systémiques, contextuels et temporels.
Les leaders ici sont les individus à tous les niveaux de l’organisation qui contribuent à l’émergence du leadership quel que soit leur niveau hiérarchique. Et le leadership est situé à différents niveaux : des individus, des relations, des groupes qui sont inclus dans de multiples contextes évoluant dans le temps. Le développement du leadership sous-entend alors un travail plus vaste, il ne s’agira pas uniquement de se focaliser sur les managers par exemple, mais le leadership dans cette perspective est vu comme une « manière d’être » dans l’organisation, et plus globalement dans le monde.
Bouchra BENCHEKROUN
Psychologue du travail, consultante, coach et formatrice.