Nous ne pouvons traiter du développement personnel du Dirigeant en passant à côté des apports de Vincent Lenhardt dans le domaine du coaching de Dirigeants de façon générale, et plus particulièrement dans son ouvrage « les Responsables Porteurs de sens », référence incontournable pour tout coach de Dirigeants.
Sous cette rubrique, nous avons aimé apporter des extraits essentiels en récapitulant et commentant pour nos chers lecteurs un article fort intéressant de cette sommité, un article paru dans la revue Management et Conjoncture sociale, en juin 2001. La question du développement personnel des Dirigeants devient incontournable dans un univers où l’environnement, les structures des organisations et les situations managériales se transforment à un rythme inégalé à ce jour. Le potentiel et la limite même de l’organisation deviennent conditionnés par le potentiel et les limites du Dirigeant qui en a la charge.
Le Dirigeant se voit confronté à sa capacité de changement personnel en face du chaos, du stress, de l’incertitude, de la complexité des enjeux et de la multiplicité des relations auxquels il a à faire face. Sa réaction pourrait être comparable à celle de « langoustes ».
Dotée d’une carapace, la langouste peut se passer de colonne vertébrale. Mais sans carapace, il ne lui reste rien. Tel est « le complexe de la langouste » ; le statut et le pouvoir du Dirigeant pourrait faire l’affaire de cette carapace. Pour protéger son territoire, le Dirigeant risque d’être piégé dans une attitude défensive l’empêchant de s’ouvrir et de mettre au service des autres l’ensemble de ses facultés.
Il lui faut se constituer la colonne vertébrale que peut représenter sa « sécurité ontologique ». On appelle «sécurité ontologique » l’état de sérénité dans lequel peut se retrouver un responsable qui a suffisamment confiance en lui-même, en la situation, en la vie et dans les autres, pour s’accepter tel qu’il est, inconditionnellement, sans croire qu’il a sans cesse à prouver ses compétences, son pouvoir, son importance ou à répondre à son besoin irrépressible d’être aimé. Il sait suffisamment qui il est, sans orgueil ni vanité, et il a une sécurité intérieure qui fait qu’il n’est plus dépendant de la parole des autres. Il s’est constitué en tant que sujet, conscient de ses limites, il s’autorise de lui-même. De là vient son « autorité ».
Les responsables qui ont su développer cette sécurité, arrivent à devenir, au-delà de leur rôle de décideur, des «Hommes – Ressources » pour leur environnement ou des « responsables porteurs de sens », transformant complètement leur rapport à l’entreprise en devenant des phares et des leaders recherchés .
- Des « Hommes-Ressources » : des Responsables qui ont appris à gérer plus les processus que les contenus et à accompagner des personnes, ce sont des « managers coachs », des hommes et femmes de management de projets transverses, coordonnant des processus en étant entourés de personnes souvent plus compétentes dans leur domaine.
- Des « responsables porteurs de sens » : des responsables qui savent créer et co-élaborer avec leurs collaborateurs une ou des « visions partagées » et qui, tout en étant capables de donner la direction, sont à l’écoute des signaux légers et des émergences que leur donnent les collaborateurs pour reconfigurer avec eux en permanence la vision.
Le responsable a la lourde tâche d’intégrer ces trois niveaux d’identité, en restant à la fois Responsable donneur d’ordres et en « s’accomplissant » en tant que Responsable Ressource et Responsable Porteur de Sens. Ceci ne peut se faire sans liberté intérieure que seul un travail de développement personnel intense amené par l’expérience de la vie ou par un travail sur soi lui permettra d’atteindre.
Pour revenir à cette colonne vertébrale que le responsable devra travailler au jour le jour et reconstruire continuellement pour favoriser sa « sécurité ontologique », il convient de rappeler le modèle de la colonne vertébrale du sens et ses neuf niveaux d’identité :
1-Environnemental :
Identité politique, appartenance associative, identité nationale…
2-Organisationnel :
Correspond à l’appartenance à une entreprise qui fait que la personne se sent porteuse de la pérennité de l’entreprise à travers son action.
3-Managérial :
Correspond à l’identité définie par la fonction. La façon dont la fonction est définie, le stade de développement de la personne (technicien, manager, leader), le salaire, le pouvoir vont être déterminants.
4-Professionnel :
Correspond au trajet que suppose le développement de la compétence dans le métier, cheminement d’une durée de 3 à 15 ans.
5-Vie privée :
C’est l’espace de la vie familiale, intellectuelle, culturelle, lieu d’appartenance sociale, libéré de l’entreprise entrepreneuriale.
6-Psychologique :
Plus particulièrement domaine de développement personnel et éventuellement de la thérapie. Un déficit identitaire à ce niveau ne peut pas ne pas retentir sur la vie professionnelle de la personne.
7-Existentiel :
Valeurs qui font « sa » vie. Valeurs qui émergent face à la problématique de la mort.
Objectifs, valeurs, expériences qui font que cette vie mérite d’être vécue par la personne.
8- Spirituel :
Sens de la vie qui est défini par l’anthropologie spirituelle de la personne et qui fait que son existence est fondée sur une identité qui dépasse sa propre personne et qui correspond à une communauté humaine.
9- Confessionnel :
Sens de la vie défini par le contenu d’une foi personnelle partagée avec d’autres qui, au-delà d’une spiritualité tolérante vis-à-vis d’autres spiritualités, affirme une différence et une spécialité irréductible.
Ainsi, lorsqu’on parle de développement personnel du Dirigeant, c’est l’ensemble de ce qui constitue la personne : l’ensemble des niveaux d’identité qui ont chacun une spécificité, un niveau d’ordre différent, une logique propre. Il s’agit de ne pas mélanger « l’important » (domaine de l’entreprise) et « l’essentiel » (hors entreprise), et d’intégrer chaque niveau un peu comme une colonne vertébrale qui n’a de solidité que celle de la plus faible de ses vertèbres.
Lorsque nous parlons de développement du Dirigeant, il nous appartient de ne pas le réduire à cet aspect du développement de l’important mais certainement de « bien mettre l’essentiel au cœur de l’important » et de ne pas faire que le développement du Dirigeant dans sa fonction professionnelle, managériale et organisationnelle le rende schizophrène et le sépare de sa dimension personnelle. Nous pensons que sans amalgamer les niveaux, la personne en entreprise doit développer une cohérence et un équilibre qui tiennent compte de toutes les faces de cette réalité. D’où l’importance du Coaching. Il offre au Dirigeant l’espace propice de cette réflexion, de feed-back, d’élaboration de scénarios, de balayage de ses angles morts, de test de ses propres idées, de « protection » même (on l’avertit des dangers), et de « permission » (on l’encourage à franchir des étapes, de sortir de ses peurs et doutes qui le freinent), qui vont lui permettre progressivement d’élaborer et de trouver lui-même ses propres solutions.
Ceci est indispensable, car une solution clefs en main ou une décision qui vient de l’extérieur, n’a évidemment pas du tout la même force et le même poids que celle intériorisée et décidée par la personne elle –même qui devra la mettre en œuvre. Ceci est la raison du développement du coaching qui représente une tendance lourde, notamment en entreprise.
« Tout est possible à qui rêve, ose, travaille et
n’abandonne jamais. »
– Xavier Dolan
Chafik MEKRAI HARTI
Coach ICF Formateur et consultant senior
Directeur du cabinet HORIZON RH