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16 Mai 2022

UN PEU DE PSY : Le profil – type de l’entrepreneur : quel est-il ?

Au Maroc, comme d’ailleurs en France, le taux d’entrepreneuriat parmi les lauréats de l’enseignement supérieur privé comme public, se situe autour de 3-4% alors qu’il avoisine les 97% aux USA. Certains chercheurs se penchent de plus en plus sur les raisons de ce taux d’entrepreneuriat comparativement faible sous nos cieux surtout que ni les administrations ni les entreprises marocaines ne peuvent absorber autant de lauréats, chaque année.

Alors, nait-on avec la fibre entrepreneuriale comme constituant de notre personnalité ou le devient-on ? Le cas échéant, comment arrive-t-on à « l’idée d’entreprendre » ? Y a-t-il des traits de personnalité qui favorisent l’entrepreneuriat ?

Parmi les raisons de ce faible taux d’entrepreneuriat, on peut citer les systèmes politico-économique (favorisant ou pas la libre entreprise), culturel, médiatique (modèle entrepreneurial valorisé ou pas), socio-familial, éducatif et bien-sûr individuel lié à la personnalité.

Politiquement  et de manière générale, les pays dits « libéraux » auxquels nous appartenons favorisent plus que les états communistes et totalitaires l’entrepreneuriat.

Culturellement au Maroc et pendant longtemps, l’emploi « stable et sécurisé » avec un salaire mensuel régulier( klil w mdawm…) a été valorisé comparativement aux revenus irréguliers, quoique souvent plus importants des métiers libéraux ou entrepreneuriaux.

Sur un plan éducatif maintenant, nous avons hérité du système français qui prône une certaine « pédagogie » visant à produire à terme, des têtes « bien remplies » mais pas forcément « bien faites » ! C’est à dire un système qui cherche du préscolaire jusqu’à l’universitaire, à faire acquérir des connaissances -certes importantes- par les individus mais sans se soucier de leurs personnes, de leurs compétences, de leur bien-être, de leur esprit critique, de leur émancipation, etc. Bref, ce système n’a cessé de favoriser les savoirs au dépens des savoir-faire et des savoir-être.

On obtenait ainsi et depuis des décennies et majoritairement des jeunes diplômés, prêts en fonction des possibilités du marché du travail à être recrutés. Bref, l’ascenseur social fonctionnait à peu près via des études « réussies », même si nos origines socioéconomiques étaient modestes. Tout le monde, ou presque peut devenir docteur, ingénieur ou pilote, etc.

 Familialement, que répondait-on petit à cette fameuse question :

« qu’est-ce que tu veux faire comme métier quand tu seras grand ? ». Les réponses conditionnées par certains imaginaires collectifs assez partagés étaient plutôt du genre : médecin, ingénieur, pilote, professeur, etc. mais rarement entrepreneur !

Nos choix professionnels « fantasmés » sont imprégnés d’un ensemble de déterminants, fruits d’interactions continues avec nos propres parents et de leurs croyances et référentiels, puis avec notre famille proche, nos amis, les héros de divers médias, etc.

Un des tests psychologiques, scientifiquement validés, qui explore les centres d’intérêts professionnels IRMR fait ressortir divers profils, notamment celui d’« entreprenant ». Ce test largement utilisé décrit ce profil comme ayant un intérêt pour les relations sociales, l’influence avec goût pour le pouvoir, le leadership et l’influence.

En psychologie, les « traits » sont définis comme les caractéristiques constantes de la personnalité quels que soient le moment et la situation. Ils sont ainsi liés aux modes stables du comportement, de la pensée et de l’affect et sont une disposition à agir d’une certaine manière, illustrée par le comportement d’un individu dans un éventail de situations.

Pour Granclaude et Nobre et appliqués au concept de l’entrepreneuriat, les traits seraient un ensemble de caractéristiques, de spécificités, de particularités que possèderait l’entrepreneur et qui permettrait de le distinguer du non entrepreneur ».

Ils y distinguent notamment les variables socio-démographiques (sexe, genre, âge, culture, religion, milieu social), les variables de parcours (expériences et formation), les variables motivationnelles (besoin d’indépendance, réussite, sécurité), les variables affectives et émotionnelles et les variables de contrôle. Le « lieu de contrôle » interne est lié à une forte conviction de pouvoir agir sur son environnement et non de le subir (locus externe).

Fayolle les situe principalement au niveau des valeurs (éthique, responsabilité, sens de l’engagement, etc.), des attitudes (prise de risques, prise d’initiatives, autonomie, etc.) et des besoins (indépendance, réalisation, reconnaissance, etc.) en plus des nombreuses caractéristiques citées dans la littérature telles que: l’optimisme, la confiance en soi, l’implication sur le long terme, le lieu de contrôle interne, l’atypisme, la flexibilité, la persévérance, la tolérance à l’ambiguïté et à l’incertitude et la prise de risques modérés.

Messeghem & Sammut confirment quant à eux, quatre caractéristiques essentielles seraient récurrentes : le besoin de réalisation de soi, le besoin de pouvoir, le lieu de contrôle interne, la propension à prendre des risques calculés. Parallèlement, au moment de la création de l’entreprise, les dirigeants ayant des motivations axées sur le besoin de réalisation de soi et la recherche d’opportunités, seraient susceptibles de lancer des entreprises qui se développent plus rapidement que celles créées par des individus avec des motivations fondées sur le chômage, la pression familiale et la nécessité.

Pour Gartner, et bien que ces chercheurs aient essayé d’identifier les particularités psychologiques des entrepreneurs qui parviennent à créer et à réussir dans leurs entreprises, ils auraient échoué à dresser un « portrait type » de l’entrepreneur auquel il serait opportun de ressembler pour réussir dans son entreprise.

Selon Hejjaji et Fahssis, ces tentatives se caractériseraient toujours par un aspect subjectif vu qu’elles essaient d’étudier des variables personnelles du dirigeant .

Par ailleurs, Messeghem et Sammut s’étaient interrogés sur le caractère inné ou acquis des traits de personnalité. Ils considèrent que les caractéristiques psychologiques ne seraient pas toutes présentes au moment de la création de l’entreprise, que certaines seraient acquises et se développeraient durant le processus entrepreneurial. Ainsi, il serait pertinent de prendre en considération la dimension temporelle et la capacité d’apprentissage de l’entrepreneur qui donneront lieu ultérieurement à de nouveaux traits de personnalité.

En outre, l’approche psychologique semble être partielle, elle se limite à la vérification des traits de personnalité qui ne pourraient expliquer de manière exclusive la croissance d’une entreprise ou le succès d’un entrepreneur. « Il existe une relation complexe entre plusieurs traits de personnalité et le succès, cette relation étant couplée à des facteurs situationnels et organisationnels. Dès lors, l’approche psychologique devient un facteur parmi d’autres, et non plus le seul raisonnement explicatif du processus entrepreneurial. »

M. Youssef BOUGRINE

Médecin, Psychanalyste, Psychologue de travail et consultant auprès des entreprises