Dans un souci didactique je me suis inspiré, dans le présent article, principalement de Buster Benson, auteur du Petit guide exhaustif des biais cognitifs,du fameux livre de Daniel Kahneman, Système 1 et Système 2, et d’autres références que je citerai au fur et à mesure, et à la fin de l’article.
L’hypothèse défendue ici est la suivante: Si les Heuristiques expliquent en grande partie le« pourquoi>> des croyances, les Biais Cognit if s, en tant que Heuris t iques« anachroniques e t irrationnelles», expliquent grandement l’apparition des croyances limitantes, sources de résistanc es et l’un des« thèmes/obstacles» du Coaching.
Mon objectif est, d’abord, d’attirer l’attention des coachs (et de celles/ceux quis’intéressant à la« chose humaine») sur les conséquences des« irrationalités» (ou Biais) de notre cerveau. Et, ce faisant, espérer que nous puissions mettre en place des stratégies« d’auto-défense intellectuelles» (Noam Chomsky) à même de déjouer nos irrationnels« pièges de pensée». Biais et Coaching, sujet vaste et complexe, j’en suis conscient, mais que je m’efforcerai modestement
d’effleurer. Pour y parvenir, nous allons survoler le concept d’Heuristique et ses légitimes rejetons,les Biais Cognitifs.Puis, dans un deuxième temps,aborder quelques Biais accompagnés de possibles antidotes.Et, finalement, conclure avec quelques
réflexions sur un« coaching des croyances.».. Prévoyant une certaine longueur dans l’article, celui-ci sera étalé sur quelques numéros à déterminer au fur et à mesure de l’avancement des réflexions.
A- Au commencement, c‘était le cerveau face à l‘environnement: L‘Heuristique.
1 ° – Cadre évolutionniste: Foce à un environnement (heureusement!?) menaçant, notre si fragile cerveau a su développer de merveilleuses capacités d’adaptation,aidé en cela par des émotions variées,nous incitant à fuir, attaquer, jouir…, bref, à vivre, survivre et nous reproduire. Cela a contribué à l’évolution de notre espèce et, dons une logique récursive et dialogique (Edgar Morin, in Belhodj, 2014), à l’évolution de ce cerveau qui, tapi dans
son obscure boîte crânienne, présente de si complexes et étonnantes caractéristiques, dont nous citerons :
• Sa connexion avec l’extérieur via les cinq sens avec leurs respectifs filtres et limites biologiques, limitant ainsi notre perception du monde.
• Linéaire, il ignore la négation (donnez-lui l’ordre de« ne pas s’imaginer un chien rouge». et vous verrez).
• Ne fait pas la différence entre la réalité et le mensonge (fausses informations) …
Paradoxalement limité et d’un potentiel quasi illimité, le cerveau doit foire face à un environnement changeant et menaçant pour assurer notre survie.
De nature curieux mois« paresseux », le cerveau a mis en place des « stratégies de survie » qui ont pour finalité d’économiser du temps et de l’énergie. Autrement dit, selon Buster Benson, notre cerveau est« programmé» pour foire face: ou trop plein informationnel, ou manque de sens, ou besoin d’agir vite et à la nécessité d’optimiser la mémorisation en vue d’actions futures. C’est ce que nous pourrons appeler une« gestion utilitaire de l’information>>, base du jugement et du raisonnement. Ces stratégies« automatiques » sont essentiellement inconscientes.
l’Heuristique intervient dans le cadre de cet ensemble de caractéristiques, de contraintes et de besoins de l’humain.
2°- Définition de l’heuristique: Selon Kahnemon et Tversky (1974), pères de l’Économie Comportementale, une heuristique est une« stratégie cognitive simplifiée utilisée pour économiser du temps et rendre plus simples les situations observées,et quipermet de faire des inférences acceptables pour l’individu, même si elles peuvent s’avérer fausses (non validée d’un point de vue logico-déductif) ».Explications :
a- l’heuristique est une« routine».ou raccourci cognitif, rapide et intuitif, source de nos connaissances et croyances. le tout résultant des expériences directes ou transmises, faites d’intuition, d’ essais/erreurs, etc. Par exemple. la peur des prédateurs, l’importance du feu (quiréchauffe.brûle, illumine, protège…), l’eau de la rivière qui étanche notre soif et qui peut nous noyer, etc. sont des expériences et des émotions qui. en procédant par des généralisation et des omission, nous faisaient et nous font des économies de temps et d’énergie, construisant graduellement nos modèles mentaux et déterminant notre comportement.
b – ‘heuristique, qui opére usuellement lorsqu’un problème semble complexe ou manquant d’informations (voir l’exemple du biais de corrélation illusoire plus loin), nous aide donc à penser plus rapidement et mieux [en économisant un grand nombre de processus mentaux) et donc à prendre des décisions agiles, préservant ainsi notre espèce de sopiens. C’est ce que Kahneman (2012) nomme Système 1. «pilotage automatique», celui de l’inconscient, de l’intuition,plus rapide et économe, par opposition au Système 2, plus rationnel, analytique, conscient mais lent et non économe en temps et énergie. Mais, pour Kahneman (2012), si ces raccourcis cognitifs [Système 1) sont utiles, souvent ils « conduisent à des erreurs sévères et systématiques. »
3°- Le Biais, une heuristique anachronique: Aujourd’hui. ces mêmes heuristiques, ou plutôt certaines, sont devenues inadaptées aux sollicitations actuelles de notre environnement, donc pouvant être considérées comme des sources potentielles d’erreurs et d’illusions. Ces Heuristiques anachroniques sont appelées par les psychologues Kahnemon (prix Nobel d’Économie en 2002) et Tversky des« Biais Cognitifs » (ou biais psychologiques ou préjugés cognitifs). Pour ces auteurs, ce concept explique certaines décisions irra t ionnelles dans le domaine économique.
a- Un biais cognitif est une forme de pensée inconsciente quimet en œuvre de manière systématique des distorsions dans le traitement de l’information. En interprétant
l’information disponible de façon erronée et irrationnelle
et en donnant trop ou peu d’importance à certains éléments informationnels, ces biais peuvent conduire à des erreurs de perception, de raisonnement, d’évaluation, de jugement, d’attention, etc., ainsi qu’à des comportements ou à des décisions inadaptées. le paradoxe dans certains biais (voir Biais de Confirmation, l’Illusion de Savoir…) c’est que nous utilisons ces raccourcis de pensée même en cas d’existence d’informations pouvant permettre une évaluation plus fiable, voire contradictoire.
b- Les biais, de par leur impact sur la formation des croyances, les décisions (entrepreneuriales, politiques, etc.) et les relations sociales, font l’objet de nombreuses recherches dans les sciences cognitives, la psychologie cognitive et en psychologie sociale. Ces études ont permis d’identifier des centaines de bia is cognitifs dans de nombreux domaines : mémorisation, perception,statistiques, logique, causalité, jugement, évaluation, raisonnement, attention…
L’étude de ces biais montre à quelpoint notre perception du monde, nos pensées et nos comportements sont moins libres qu’on ne l’imagine.
c- Connaître les biais cognitifs permet de développer notre pensée critique (Baillargeon, 2006}, d’éviter de nous tromper dans nos décisions, de résister aux manipulations,de contrecarrer les croyances limitantes,
les pensées négatives … Un exemple typique de ce raccourci est le recours à des stéréotypes (voir Effet de Halo). Juger quelqu’un sur la base d’une description stéréotypique du groupe auquel il appartient (ou supposé appartenir), peut être source d’erreur, voire de préjugé, car la personne peut être peu (ou pas) représentative du stéréotype. D ‘ où des réactions émotionnelles disproportionnées, sources de racisme et autres discriminations et souffrances.
Avons-nous réellement besoin d’entretenir ces biais, sources de croyances limitantes, et ce faisant continuer à être pris en otage dans notre zone de confort ? Comment influencer positivement nos pensées et nos comportement afin de devenir acteur et auteur de notre destinée ?
C’est à ces défis qu’essaient de répondre les Sciences Humaines dans leurs différentes approches humanistes : laPsychologie Positive,Thérapie Cognitivo-Comportementale. la Gestalt, la Communication Non–Violente, l’Intelligence Émotionnelle, la Programmation Neuro-Linguistique, l’Analyse Transactionnelle, la Pensée Systémique, etc . et, partant, le Coaching et d’autres métiers d’accompagnement (l‘ Éducation.. .), voire la spiritualité, la méditation, etc.
Lors des suivants numéros d’AIGLE, nous citerons quelques exemples de Biais ainsi que des pistes d’antidotes, préconisées, entre autres, par la Pensée Critique (Buster, Baillargeon…). En attendant, lisez, enquêtez, échangez, analysez, réfléchissez…
Au prochain Numéro.
M. BELHADJ Mohammed Rachid
Coach Professionnel certifié
Formateur & Consultant
Article du magazine « AIGLE » 2ème édition