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27 Juil 2020

Heuristiques et Biais Cognitifs au service du Coaching

INTRODUCTION À LA PARTIE 2

Lors de cette introduction nous avions vu que notre cerveau, préoccupé par sa mission de survie,« paresseux et économe d’énergie », et notre biologie, limitée de nature, nous font percevoir l’environnement de façon simplifiée, anachronique, donc réductrice, ne faisant pas de distinction entre réalité et mensonge.Nous avions aussi survolé ce que Kahneman appelle les Systèmes de pensée 1 et 2, le premier, automatique et généralement inconscient, est considéré parmi les éléments « créateurs » et « renforçateurs » de nos croyances (ressources et limitantes). Le second étant conscient et analytique.

Nous avions également défini deux concepts importants :
D’abord, les Heuristiques, qui sont des raccourcis de pensée résultant de généralisations,sélections/omissions ou distorsions, mais qui témoignent toutefois de nos habilités, savoirs ou compétences. Ensuite, les Biais cognitifs qui, en tant qu’heuristiques « biaisées », peuvent être source dedéviation du jugement et d’irrationalité, donc d’erreurs. Nous avons vu également (voir Partie 1 : Besoin de Traiter l’Information) comment notre cerveau a tendance à ne retenir que certaines informations et à délaisser d’autres, ce qui a pour corollaire cette fâcheuse tendance, toujours inconsciente, à nous « auto-tromper » en faussant ou « manipulant » notre Base de Données Mémorielle.

À ce qui précède nous allons ajouter un autre problème, celui de chercher « désespérément » à donner du sens et des explications au monde qui nous entoure, au risque de procéder par des omissions et des généralisations, créer des distorsions, transformant ainsi l’énigme en irrationalité, aboutissant à des erreurs de jugement et de raisonnement. Ce besoin de créer du sens à « ce qui manque de sens» est l’objet du présent chapitre.

PARTIE 2 : BESOIN DE DONNER DU SENS

Le besoin de donner du sens au monde qui nous entoure, en créant une « certaine logique » dans le « chaos » et dans le «manque de sens du monde », est une des caractéristiques de l’homo sapiens. Cela contribue à modeler notre carte du monde et, in fine, nos représentations sociales.

A- Ces filtres cognitifs sont censés répondre à quels besoins ?

À nous rassurer en nous faisant miroiter ce qui est « connu », « rassurant », « déresponsabilisant »,« désangoissant », bref, « sensé » C’est-à-dire, répondre à nos besoins de sécurité et de contrôle, etc.

B- Comment procède notre cerveau et à travers de quels biais ?

Plusieurs voies « biaisées » et, souvent, en interconnexion, conduisent aux erreurs de jugement et/ou de raisonnement.Citons pour l’exemple les voies arbitraires suivantes :

1°- Soit en reliant des bouts d’informations, en comblant les vides, en établissant artificiellement des liens… Exemples de biais : Corrélation Illusoire, Illusion des Séries, l’Effet Barnum, Illusion de Contrôle…

2°- Et/Soit croire savoir ce que les autres pensent. Exemples de Biais : Lecture de Pensée, Illusion de Connaissance Asymétrique, Biais de Faux Consensus, etc.

3°- Et/Soit en cherchant des attributions ou des liens de causalité, dans une logique linéaire de cause/effet, et « trouver» des origines/sources aux défis de l’environnement. Exemples de biais : l’Attribution Causale, l’Erreur Fondamentale d’Attribution, Halo, etc

4°- Et/Soit en se remettant à une autorité supérieure (référent) censée nous montrer la voie du sens/interprétation, à travers des réponses censées combler notre ignorance… Exemples de Biais : Biais de l’Autorité, Conformisme, Croire en un Monde Juste, etc.

– Et/Soit, tout simplement, rechercher une stabilité, un confort. Exemples biais : Illusion de Savoir, Normalité, Statu Quo, Optimisme, etc

C- Conséquences de ces biais sur notre Carte du Monde :

des croyances limitantes (et généralement anachroniques) ayant pour corollaires des erreurs de jugement et/ou de raisonnement, des stéréotypes, des conflits, des erreurs de décision et d’estimation, etc.
Examinons certaines catégories de ces biais :

1°- DONNER DU SENS À L’ALÉATOIRE

Pour alimenter notre carte du monde nous en « voyons » » dans ces informations éparses de l’environnement, des corrélations « causales », des formes, des histoires, des images, des répétitions, des significations, des motifs, quitte à en voir là où il n’y en a pas, faussant ainsi notre mémoire et nos souvenirs (notre « base de données »). L’important pour notre cerveau c’est de trouver, dans ce « chaos du monde », une cohérence rassurante même si erronée, quitte à ce que, plus tard, l’individu confonde réalité et illusions. Voici quelques exemples de biais qui contribuent à ces constructions illusoires :

1.1- Le Biais de Corrélation Illusoire :

Ce biais, assez commun, crée une association arbitraire entre deux variables sans rapports entre elles. Cette perception d’une relation entre deux événements non reliés entre eux est une illusion de corrélation qui entraîne une erreur de jugement, donc de décision. Exemple 1 : Associer « être en retard » avec « les feux de signalisation qui se sont donné le mot pour rester rouges », ou entre « examen réussi » et rédigé avec « son stylo fétiche ». Exemple 2 : Il y a aussi une autre variante, c’est l’illusion post hoc, ergo propter hoc (« à la suite de cela, donc à cause de cela ») qui prétend qu’une relation est causale (relation cause/effet) pour le simple fait qu’une variable suit une autre, « comme si le chant du coq provoquait le lever du soleil. »

Explication : Le cerveau, par besoin de savoir pour sécuriser, refuse les coïncidences ou le hasard, crée-par association- de fausses mises en relation car il préfère relever (très souvent inconsciemment) ce qui va dans le sens de nos hypothèses ou croyances plutôt que ce qui va à leur encontre. À terme, cela conduit à un renforcement de ces illusions. Ces corrélations illusoires jouent aussi un rôle clé dans la formation des superstitions et constituent l’ossature de la pensée magique (Belhadj, 2014). Remarques : À faire le lien avec le Biais de Confirmation, l’Illusion de Contrôle et le Biais d’Attribution Causale. Antidote : Connaître l’existence de ce phénomène nous permet d’éviter de tomber dans des raisonnements absurdes, ou dans des jeux psychologiques récurrents. Pour ce faire, il faut accepter de discuter les opinions différentes, à travers de feedbacks, des 360°, etc.

1.2- Illusion des Séries :

C’est l’intuition que des événements aléatoires arrivant à la suite les uns des autres ne sont pas vraiment aléatoires. L’illusion est due à la pensée sélective fondée sur une supposition fausse. Or ces modèles ne correspondent plus à notre réalité présente malgré la similarité des schémas. Exemple : Après quelques tentatives, un sourcier peut réussir en faisant mieux que le hasard. Néanmoins, ces résultats n’impliquent pas que de tels résultats ne soient pas dus au hasard.

Explication : Cette illusion est causée par une tendance humaine à sous-estimer la quantité de variables susceptibles d’apparaître dans un petit échantillon de données aléatoires ou semi-aléatoires (Kahneman, 2012). Par exemple : un bruit dans l’obscurité peut être dû à un prédateur… mais aussi dû au vent. Ce type de biais peut conduire également à voir des conspirations partout (théories de complot). Antidote : Outre les pistes d’antidote concernant le Biais de Corrélation Illusoire et l’Illusion de Contrôle, l’individu doit prendre consciences de la différence entre la logique intuitive (Système 1 : automatique) et la logique probabiliste et statistiques (Système 2 : consciente).

1.3- L’Effet Barnum :

Tendance qui consiste pour un individu à accepter une vague description de la personnalité comme s’appliquant spécifiquement à soi-même. Cette description générale (ou illusion de soi), est celle que créent les horoscopes, numérologues, astrologues, mentalistes, graphologues, médiums ou autres charlatans… qui jouent sur ce phénomène pour manipuler les esprits. C’est aussi le cas des nombreux tests de personnalité publiés dans les journaux. Exemple : Voici un texte d’assertions tiré des horoscopes : « Vous avez besoin que les autres vous apprécient et vous admirent, et vous êtes enclin à être critique envers vous-mêmes. Bien que vous ayez quelques faiblesses de personnalité, vous êtes généralement capable de compenser ces dernières. Vous n’utilisez pas assez le potentiel considérable que vous avez.» Ces assertions peuvent s’appliquer à n’importe qui (Baillargeon, 2006). Explication : L’Effet Barnum obéit à un processus constant de construction de la représentation desoi-même. Il se retrouverait davantage chez les personnes qui ont un grand besoin de reconnaissance… Antitode : L’individu doit faire preuve de scepticisme et d’esprit rationnel..

1.4- Illusion de contrôle

C’est la tendance à croire que nous avons plus de contrôle sur une situation que nous n’en avons réellement. Exemple : Le recours aux objets porte bonheur (gris-gris…). Explication : Le contrôle est avant tout un mécanisme de défense qui exprime un besoin de protection émotionnelle. Cette position préventive de tension permanente peut conduire au Burnout. Remarques : Variante du Biais de Corrélation Illusoire et du Biais du Risque Zéro, nous pouvons assimiler ce biais à la pensée magique (Belhadj, 2014). Antidote : Accompagner dans la prise de conscience (feedbacks, 360°…) et le lâcher-prise.

La suite de la partie 2 dans le numéro prochain.

En attendant, cherchez, lisez et analysez dans un esprit critique !

M. BELHADJ Mohammed Rachid
Coach Professionnel certifié
Formateur & Consultant

Article du magazine « AIGLE » 5ème édition